La discrimination au travail fondée sur le sexe ou la situation familiale est depuis longtemps un champ de mines pour les employeurs.
Les femmes enceintes et les nouvelles mères ont le droit d’être à l’abri de comportements discriminatoires et harcelants, d’être accommodées de manière flexible, et d’obtenir un congé de maternité et parental. Ces droits sont généralement couverts par l’interdiction de la discrimination prévue dans la législation sur les droits de la personne.
Quatre affaires décidées au cours de la dernière année sont particulièrement intéressantes et sont résumées ci-dessous. Deux de ces affaires proviennent d’environnements non syndiqués. Néanmoins, les principes juridiques relatifs à la discrimination fondée sur le sexe et la situation familiale s’appliquent de manière égale aux milieux syndiqués et non syndiqués.
- Une application stricte d’une disposition peut conduire à une discrimination constructive
Muskoka Algonquin Healthcare c. Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario
2015, CanLII 32027 (ON LA)
En 2012, il y a eu une épidémie de grippe à Muskoka Algonquin Healthcare (« l’hôpital »). Lorsqu’une épidémie survient à un hôpital, le médecin hygiéniste recommande généralement que le personnel infirmier soit vacciné contre la grippe pour contrôler l’épidémie. Selon la convention collective régissant les infirmières et infirmiers, lorsque cette recommandation est faite, les infirmières et infirmiers doivent être vaccinés. Sinon, ils n’ont pas le droit de travailler et ne sont pas payés pour les quarts manqués.
L’hôpital n’avait pas connu d’épidémie de grippe depuis plusieurs années. Lorsque les vaccins contre la grippe ont été proposés à l’automne 2012, une infirmière enceinte, Lindsey Marsden, a choisi de ne pas se faire vacciner. Elle pensait qu’elle serait en mesure d’utiliser le Tamiflu en cas d’épidémie, comme le recommandaient les politiques de l’hôpital.
Lorsqu’une épidémie a effectivement éclaté en décembre 2012, Mme Marsden a été informée que le Tamiflu était contre-indiqué pour les femmes enceintes. Elle n’a donc pas pris le médicament et a immédiatement reçu le vaccin contre la grippe. Cependant, comme le vaccin met deux semaines à devenir efficace, l’hôpital lui a interdit de travailler pendant cette période. D’autres infirmières non vaccinées et non enceintes ont pris du Tamiflu et ont pu travailler.
Pendant les deux semaines où Mme Marsden n’a pas été autorisée à travailler, elle a manqué cinq quarts de travail pour lesquels elle n’a pas été payée.
L’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario a déposé une plainte en son nom, alléguant qu’elle avait été victime de discrimination fondée sur le sexe, contraire à l’article 5(1) du Code des droits de la personne. Elle a soutenu que l’infirmière n’était pas autorisée à travailler parce que les femmes enceintes ne pouvaient pas prendre de Tamiflu. L’effet de la disposition qui exigeait qu’elle soit vaccinée ou qu’elle prenne du Tamiflu pour travailler était donc de la discrimination fondée sur le sexe.
L’arbitre a conclu que l’application rigoureuse de la disposition par l’employeur constituait une discrimination constructive en violation du Code des droits de la personne. Comme l’hôpital ne l’avait pas informée de ces limitations, il était responsable de lui verser le salaire des quarts de travail qu’elle n’avait pas pu compléter en raison de sa grossesse.
- Refuser aux mères biologiques l’accès aux prestations parentales disponibles à tous les autres parents de l’unité de négociation constitue une discrimination
Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique c. Association des employeurs des écoles publiques de la Colombie-Britannique
2014, 3 RCS 492
En 2014, la Cour suprême du Canada a confirmé la décision d’un arbitre selon laquelle la convention collective de la Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique discriminait les mères biologiques. La convention collective prévoyait des prestations supplémentaires de chômage (PSC) pour les mères biologiques pendant la période d’attente de deux semaines avant les prestations d’assurance-emploi, ainsi que 15 semaines de PSC pendant le congé de maternité. Les pères biologiques et les parents adoptifs avaient droit aux PSC pendant la période d’attente de deux semaines, ainsi qu’à 15 semaines de congé parental. Cependant, les mères biologiques n’avaient pas droit à ces PSC pour le congé parental.
En février 2011, le syndicat a déposé une plainte alléguant que le fait de ne pas accorder aux mères biologiques 15 semaines de PSC pour le congé parental était discriminatoire. Il a allégué que la disposition était contraire à la garantie de non-discrimination de la convention collective, aux dispositions du Code des droits de la personne de la C.-B., et aux garanties de la Charte canadienne des droits et libertés.
L’employeur interprétait la disposition comme une seule prestation complémentaire pour les prestations d’assurance-emploi, limitée à un total de 17 semaines de prestations pour toutes les catégories de parents. Cependant, le syndicat interprétait la disposition comme ayant deux objectifs : 1) fournir des prestations aux mères biologiques lorsqu’elles se remettent des effets de l’accouchement, et 2) fournir des prestations aux parents pendant qu’ils établissent un lien avec leur enfant.
L’arbitre a donné raison au syndicat, et la Cour suprême du Canada a confirmé la décision. Les mères biologiques ne devraient pas être obligées de renoncer aux prestations de congé de maternité pour avoir droit aux prestations de congé parental garanties à tous les autres parents de l’unité de négociation. Le faire serait discriminatoire.
- Les employeurs ne peuvent pas licencier de manière constructive les employées en raison de leur grossesse
Lipp c. Maverick’s Sports Lounge
2014, BCHRT 199 (CanLII)
En 2013, une serveuse de bar a déposé une plainte en vertu du Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique, après que le propriétaire du bar ait déclaré qu’il serait préjudiciable aux affaires d’avoir une femme enceinte travaillant au bar. La plaignante a vu ses quarts de travail être progressivement réduits. Il a été constaté que cela se faisait dans l’espoir que la plaignante démissionne. À plusieurs reprises, le propriétaire a utilisé un langage désobligeant pour décrire la plaignante et a fait des commentaires inappropriés sur sa grossesse à ses collègues.
Le tribunal a estimé que l’employeur avait créé un environnement de travail hostile et discriminatoire. Il a été constaté qu’elle avait été licenciée de manière constructive. Elle a reçu 2 000 $ en dommages pour les salaires perdus et 7 500 $ pour préjudice à sa dignité, ses sentiments et son amour-propre.
- Les employeurs ne peuvent pas licencier de manière constructive les employées après un congé de maternité
Bray c. Canadian College of Massage and Hydrotherapy
2015, CanLII 3452 (ON SCSM)
Dans cette affaire, la Cour des petites créances a jugé que Kelly Bray, instructrice en massage, avait été licenciée de manière constructive. En 2012, elle a pris un congé de maternité après la naissance de son enfant. Lorsqu’elle est revenue de son congé de maternité en 2013, son employeur avait considérablement réduit son horaire et ses responsabilités.
Lorsqu’elle a demandé pourquoi elle ne revenait pas à un poste aux responsabilités et aux heures similaires à celui qu’elle occupait avant son congé, son employeur a déclaré :
« Voyons comment se passe ce semestre et voyons si tu trouves ça bien d’être même dans quatre cours et de devoir être mère en même temps. Ce sera un grand ajustement. »
Elle est retournée travailler selon l’horaire réduit et au semestre suivant, elle n’a été assignée à aucun cours. Par conséquent, elle a intenté une action en justice, alléguant une discrimination fondée sur le sexe et la situation familiale en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.
Le tribunal a conclu que Mme Bray avait été licenciée de manière constructive. Les dommages ont été évalués à 17 700 $ pour un préavis raisonnable, 20 000 $ pour préjudice à ses sentiments, sa dignité et son amour-propre en raison de la violation par le Collège des droits de la personne de Mme Bray, et 5 000 $ en dommages-intérêts punitifs. Comme l’action a été intentée devant la Cour des petites créances, l’indemnité était plafonnée à 25 000 $.
Conclusion
Ces cas montrent clairement que certains employeurs continuent d’ignorer leurs obligations légales envers les femmes enceintes et les nouvelles mères, ou qu’ils s’en fichent simplement. Être conscient des conséquences de la violation des droits de la personne et d’autres lois, comme on peut le voir dans les cas susmentionnés, peut contribuer à accroître la conformité dans ce domaine.