Le 4 octobre 2019, la Cour d’appel fédérale (CAF) a statué qu’un ancien employé ne peut pas déposer un grief si les faits matériels à l’origine du grief ne se sont pas produits pendant que la personne était employée.
Bien que cela semble être une décision simple, certaines circonstances peuvent compliquer les choses. C’est ce qui s’est produit dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Santawirya, 2019 CAF 248.
Chronologie et Contexte
Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Santawirya, la situation de Mme Santawira s’est déroulée de la manière suivante :
- 2000 : Mme Santawirya est embauchée par Industrie Canada en 2000.
- 2012 : Mme Santawirya est informée que son emploi serait touché par des mesures de contrôle des dépenses. Elle devient donc une « fonctionnaire excédentaire » avec une priorité de nomination. Ce statut lui donne le droit d’être nommée à un autre poste au sein de l’administration publique centrale avant tout autre candidat, pour autant qu’elle possède les qualifications essentielles du poste.
- Octobre 2013 : Mme Santawirya n’a pas pu obtenir de poste dans la fonction publique et donc été mise à pied.
- 25 octobre 2013 au 24 octobre 2014 : Mme Santawirya avait droit à une priorité de nomination supplémentaire, cette fois au titre de la « priorité de mise en disponibilité ».
Au cours de la période du 25 octobre 2013 au 24 octobre 2014, pendant qu’elle avait droit à une priorité de mise en disponibilité, Mme Santawira postule pour un poste à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à deux reprises et est rejetée dans les deux cas.
La décision de la Commission
Mme Santawirya présente un grief à l’encontre de la décision de l’ASFC le 12 février 2015, affirmant avoir subi de la discrimination de la part de l’ASFC en raison de son handicap, puisqu’elle est une personne atteinte d’un handicap et qu’elle s’est désignée ainsi dans sa demande d’emploi. L’affaire a été portée devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la Commission), qui a décidé que Mme Santawirya avait le droit de déposer un grief. La Commission a conclu que les faits substantiels à l’origine du grief s’étaient produits avant qu’elle ne perde son statut d’employée. Autrement dit, la Commission a statué que, puisque Mme Santawirya était techniquement toujours une employée lorsqu’elle a postulé et a été rejetée pour le poste à l’ASFC, elle pouvait déposer un grief.
La Décision de la CAF
La CAF n’était pas d’accord et a jugé que la décision de la Commission était déraisonnable. Devant la CAF, Mme Santawirya a plaidé que la question faisant l’objet du grief concernait sa « relation d’emploi », puisqu’elle avait droit à la priorité de mise en disponibilité et qu’elle avait déjà été fonctionnaire. La CAF a rejeté cet argument.
Le paragraphe 64(4) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) indique clairement que les personnes mises à pied en vertu du paragraphe 64(1) de la LEFP cessent d’être des employées. Cela suggère qu’une fois qu’un membre est mis à pied, un grief ne peut pas être déposé. Cependant, le paragraphe 206(2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF) indique tout aussi clairement que les « anciens fonctionnaires » peuvent déposer un grief dans des circonstances limitées, telles que des mesures disciplinaires entraînant une suspension ou un congédiement. La CAF a jugé que la Commission n’a pas :
- Tenu compte de l’interaction entre ces deux pièces législatives (la LEFP et la LRTSPF).
- Articulé les faits matériels survenus lorsque Mme Santawirya était fonctionnaire.
Depuis près d’un demi-siècle, les tribunaux ont maintenu que si les faits substantiels à l’origine d’un grief se sont produits alors qu’une personne était employée, cette personne a le droit de déposer un grief, même si son emploi a pris fin par la suite.
La CAF a expliqué que le paragraphe 64(4) de la LEFP et le paragraphe 206(1) de la LRTSPF travaillent ensemble, dans le sens où la LEFP établit les paramètres à l’intérieur desquels la plupart des faits substantiels doivent être établis.
Conclusion
Le tribunal a jugé que l’interprétation du terme « fonctionnaire » au sens de la LRTSPF exigeait l’existence d’un lien entre les faits à l’origine du grief et la qualité de fonctionnaire de l’employé plaignant. En bref, si les faits substantiels se sont produits pendant que la personne lésée était employée, alors la Commission a compétence, que la personne soit toujours employée lorsqu’elle dépose un grief ou non.
Par conséquent, la CAF a renvoyé l’affaire à la Commission pour un nouvel examen de la cause de Mme Santawirya. Cette affaire nous enseigne que les anciens employés doivent être prudents lorsqu’ils évaluent s’ils peuvent déposer des griefs pour des problèmes survenus pendant leur mise à pied ou pendant qu’ils occupent un statut particulier en tant qu’employés. Si vous n’êtes pas sûr de pouvoir déposer un grief, contactez l’un des avocats expérimentés membres de notre groupe de pratique en droit du travail avant d’agir.